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La malédiction du talent

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Message  gdbabou Jeu 21 Sep - 7:31

Au lieu d’encourager l’épanouissement et le développement des étoiles montantes du management, les entreprises tendent à nuire à leur croissance et leur engagement en les plaçant en orbite trop rapidement. Jusqu’au jour où les salariés craquent, épuisés.

Mots-clés
Stress au travail.
Diplômé d’HEC et jeune talent de haut niveau, Guillaume a 28 ans lorsqu’il est débusqué par un cabinet de chasseurs de tête. Il intègre alors un poste de cadre dans une filiale de production d’un géant de l’agroalimentaire. Plébiscité par ses supérieurs, il voit ses responsabilités se multiplier : « J’en suis venu à gérer une unité de 70 collaborateurs, à être responsable de la gestion des flux de production, à répondre à des urgences le week-end, à me déplacer plusieurs fois par semaine. Je ne prenais plus de vacances, je m’étais oublié ». Jusqu’au jour où il s’effondre.

Le cas de Guillaume n’est pas isolé. Jennifer et Gianpiero Petriglieri, professeurs en comportement organisationnel au sein de l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD), ont étudié depuis plus de vingt ans ce phénomène qu’ils appellent « malédiction du talent ».

Les jeunes salariés prometteurs les plus touchés

La génération des 25-35 ans semble la plus exposée à ce phénomène qui touche plus particulièrement des profils talentueux et performants, reconnus pour leurs capacités intellectuelles et d’apprentissages accrues.

Ils sont de jeunes leaders à la recherche d’une forme d’excellence dans leur travail, de reconnaissance des dirigeants et souhaitent obtenir des missions à hautes responsabilités. Motivés et passionnés, ils prennent plaisir à travailler et débordent de nouvelles idées. Promis à de brillantes carrières, les entreprises sont à l’affût et courtisent ce type de hauts potentiels. Une fois recrutés, elles les encensent publiquement, par le biais de promotions ou de programmes d’avancement : « tu es un top performer, continue comme ça. À la clé ? Un poste de haute direction ». Flattés et se sentant redevables, les employés « maudits » vont travailler au minimum 50h par semaine et se rendre indispensables pour prouver qu’ils sont à la hauteur de la confiance qu’on leur accorde et méritent le titre de « futur leader ». Ils prennent alors le risque de tomber dans le cercle vicieux du surmenage. Epuisés, ils finissent par quitter leur emploi au lieu de ralentir.

Des comportements difficilement prévisibles

Dans un contexte économique incertain et changeant, les managers à haut potentiel sont aujourd’hui identifiés non plus seulement pour des compétences traditionnelles telles que la capacité à organiser, planifier, diriger, décider et contrôler, mais aussi pour la capacité à faire preuve de vision, de créativité, d’innovation et de prise de risque. En outre, pour faire la part belle à la transversalité, au collaboratif et au travail d’équipe, les hauts potentiels se doivent de posséder de solides compétences émotionnelles et relationnelles : empathie, maitrise de soi, persuasion, capacité d’écoute, sociabilité, diplomatie, etc.

Laurence, consultante en recrutement de hauts profils junior et middle management en finance nous explique : « nous nous sommes rendu compte que lorsque les hauts potentiels n’étaient pas en phase avec les entreprises, c’était souvent à la cause de leur personnalité. L’analyse des compétences techniques est facile, mais il est plus difficile de prédire les comportements de l’individu ».

Aujourd’hui son cabinet a recours aux tests de personnalité permettant d’évaluer le talent sur cinq caractéristiques spécifiques : communiquer, manager, s’adapter, oser, se dépasser. Ces attentes démesurées sont pourtant paradoxales, la réalité étant tout autre. Car malgré les grands discours, les dispositifs d’apprentissage mis en place par les organisations pour intégrer leurs hauts potentiels ne mobilisent que très rarement les émotions, l’imaginaire, l’esprit critique, la prise de recul et les capacités réflexives. Si au départ, le profil du jeune talent est attractif et facilitant, il devient finalement un handicap à l’ascension vers les postes de haute direction et une source de frustration pour ces individus créatifs et innovants qui finissent par se conformer.

L’adoption d’un masque social

Pour comprendre ce phénomène plus en détail, il convient de se pencher sur les différents mécanismes psychologiques qui le sous-tendent. Pour Maryse Dubouloy, professeure associée au Département Management de l’ESSEC, « la trajectoire scolaire et professionnelle des hauts potentiels les a souvent conduits à développer des capacités de sur-adaptation, un « faux-self » selon la théorie du psychologue Winnicott (1975). Le faux-self est un mécanisme de défense que certains individus érigent pour se protéger contre un environnement qu’ils sentent menaçant s’ils dévient de ce qu’ils pensent que l’on attend d’eux. Il se fonde sur la soumission et la dépendance à un environnement non maîtrisable, au-delà de ce qui est nécessaire pour une bonne socialisation ».

Ce masque social, que les surdoués ont bien souvent appris à adopter pendant l’enfance, leur permet d’occulter leurs besoins et sentiments pour répondre aux attentes de leurs parents et professeurs. Arrivés dans le monde professionnel, les hauts potentiels se prévalent comme d’une caution des comportements requis pour accéder aux plus hauts postes de direction : sociabilité, confiance en soi, persuasion, prise d’initiative, capacité à développer du réseau, etc. Ils tendent à se comporter comme si tout allait toujours bien, comme s’ils étaient parfaitement à leur place. Ils perçoivent un risque à montrer leur vraie personnalité et à dévoiler leurs réels désirs et préfèrent adopter une norme de comportements qui leur parait désirable aux yeux des autres dont ils dépendent.

Les mécanismes psychologiques

L’idéalisation et l’identification sont deux mécanismes psychologiques qui permettent de mieux comprendre comment se développe la malédiction du talent.

D’une part, les membres de l’entreprise idéalisent les hauts potentiels et comptent sur eux pour faire face à l’incertitude liée à l’avenir de l’entreprise, ce qui amène ces derniers à développer un sentiment d’omnipotence. D’autre part, les hauts potentiels eux-mêmes finissent par s’identifier à l’image construite par leurs collaborateurs et supérieurs, portant ainsi le poids de cette incertitude et les conduisant à développer un sentiment d’impuissance. C’est ce paradoxe psychologique, entre omnipotence et impuissance, qui permet d’expliquer l’engrenage dans lequel sont susceptibles de tomber les hauts potentiels.

Pour Guillaume, « l’entreprise, c’est marche ou crève. Mes collaborateurs et mes supérieurs me voyaient comme celui qui allait résoudre n’importe quelle difficulté. Mon supérieur me congratulait publiquement et me faisait bien comprendre que je ne manquerai pas de décrocher un haut poste de direction dans quelques temps. À côté, il me demandait d’en faire toujours plus et je ne pouvais pas dire non. Avant le challenge ça m’excitait, puis j’ai commencé à vivre chaque pépin comme un test, une évaluation. Je me devais d’être à la hauteur car sinon c’est le mec en dessous qui ferait le boulot. Il fallait que j’assure ma place. »

D’abord encensés pour leurs premiers succès, les hauts potentiels sentent que leur talent commence à les définir peu à peu. Ce qui les amène à vouloir chaque jour prouver leurs capacités. En prenant conscience que leur futur est en jeu, ils finissent par se concentrer sur ce qui leur permet de garder leur place au sein de l’entreprise. De « futurs leaders », ils deviennent ainsi « d’excellent suiveurs » et perdent ces qualités particulières et réels talents qui auparavant les distinguaient.

Une incapacité à demander du soutien

Si ce phénomène peut toucher n’importe quel travailleur, pour Jennifer Jordan, professeure à l’International Institue for Management Development (IMD), la génération Y est plus exposée car « plus connectée et bombardée de messages professionnels là où la créativité et l’innovation nécessitent du repos et de la prise de recul ». De plus, la crainte du licenciement ou la peur d’être considéré comme médiocre entrave la capacité des jeunes à signaler qu’ils sont trop stressés. Pour Laurence, consultante en recrutement des hauts potentiels, « il est vrai que si les entreprises et les cabinets de recrutement cherchent aujourd’hui chez leurs jeunes talents des capacités relationnelles élevées, l’humilité ou la capacité à demander du soutien ne fait pas partie des tests de recrutement ». Pourtant, les nombreuses marques de reconnaissance et gratifications narcissiques que récoltent les hauts potentiels en entreprise tendent à renforcer leur masque social et rendent plus difficile la demande de soutien. Il n’est d’ailleurs pas étonnant, pour Laurence, de voir ces jeunes quitter l’entreprise sans réel motif d’explication : « ils ont peur de perdre en employabilité, ils n’osent pas dire qu’ils n’en pouvaient plus de peur de passer pour des faibles ».

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