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Le long combat d'Anthony, amputé d'un bras après un accident à la papeterie Gascogne Sack

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Le long combat d'Anthony, amputé d'un bras après un accident à la papeterie Gascogne Sack  Empty Le long combat d'Anthony, amputé d'un bras après un accident à la papeterie Gascogne Sack

Message  gdbabou Jeu 9 Mai - 6:35

Anthony Gagneau, 29 ans, a perdu son bras lors d’un accident à la papeterie Gascogne Sack de Mimizan (40), en juillet dernier. Il se bat pour faire reconnaître l'accident du travail

Condamné à vivre le reste de son existence avec un membre en moins. Et surtout avec ce cauchemar qui revient chaque nuit, celui dans lequel il se voit mourir, aspiré dans la machine qui a dévoré son avant-bras droit, ce jour inoubliable de juillet 2012… Tel est le cruel destin réservé au jeune Anthony Gagneau, 29 ans.

L’année dernière encore, l’ancien conducteur de machine embauché en CDI à la papeterie mimizanaise, branche Gascogne Sack, recevait ses amis dans son appartement de Mimizan-Plage. Bien malgré lui, il a fait sienne aujourd’hui une chambre du centre de rééducation fonctionnelle de la tour de Gassies, à Bruges. Tout juste, en est-il ressorti jeudi dernier, pour subir une nouvelle opération chirurgicale, des interventions qu’il ne compte plus…




La bataille juridique

« Une question de dignité »

Pour Anthony, comme pour son avocate bordelaise, Me Marie Mescam, tout ça aurait pu être évité. Et c’est d’ailleurs ce qu’ils essaient de faire reconnaître formellement par la justice. Une conciliation aurait certes pu éviter les poursuites pénales. Elle aurait permis à Anthony de se reconstruire avec une prothèse moderne (70 000 euros), une voiture aménagée (25 000 euros), etc., mais elle aurait aussi supposé que le directeur du site accepte de reconnaître une faute inexcusable, ce qu’il n’a pas fait (lire par ailleurs). Par défaut, le duo a donc attaqué l’entreprise pour blessures involontaires. Selon la spécialiste en réparation du préjudice corporel, c’est tout simplement « une question de dignité ». « Je me bats pour Anthony mais je me bats plus largement pour le respect des ouvriers accidentés et la prise en compte de leur statut de victime. Je trouve en effet qu’il est inadmissible qu’une personne qui risque sa vie pour son travail et pour son employeur doive se battre à ce point pour obtenir une indemnisation partielle, alors qu’un accidenté de la route aurait reçu sans délai une indemnisation totale », plaide Marie Mescam.

L’avocate, qui attaquera si besoin Gascogne Sack devant le tribunal des Affaires sanitaires et sociales pour faute inexcusable, referme ce volet en ces termes : « J’estime qu’il est purement scandaleux que dans une entreprise moderne, l’on mette toujours en balance les finances avec les exigences de sécurité, et donc l’intégrité humaine. »

Depuis son lit d’hôpital, Anthony assure n’avoir que très peu de souvenirs de son accident. « Je ne sais pas comment c’est arrivé, regrette-t-il. La seule image qui me revient, c’est l’impression d’un bras creux que des collègues tentaient de libérer sans y parvenir, les 1 h 30 de désincarcération et puis la peur de mourir. » Anthony a oublié les secondes précédentes, et c’est sans doute mieux comme ça.

Des souvenirs plus clairs

Mais il a encore parfaitement en tête les conditions dans lesquelles l’accident s’est produit. Des conditions connues, et pour certaines reconnues, qui illustrent, selon lui, une faute indiscutable de l’entreprise. Particulièrement perturbé par la mort d’un autre ouvrier de la papeterie, le 25 décembre dernier, du côté de Gascogne Paper cette fois, Anthony ressent « le besoin de dire ce qu’il s’est passé ». L’ancien intérimaire veut d’abord raconter comment il est passé du poste de monteur cliché à celui de conducteur. « Ça devait se faire vite car il fallait remplacer quelqu’un qui avait donné sa démission. Du coup, j’avais suivi un autre ouvrier sur l’imprimeuse 5 durant cinq semaines, en mai, avec tous les ponts… Ce n’est pas vraiment ce que j’appelle une formation. »

Il y a aussi le problème de la machine sur laquelle l’accident est survenu, une sorte de long tube composée de gros cylindres qui permettent d’imprimer les emballages. Non seulement, ce n’est pas celle pour laquelle il avait été formé, mais elle était « en piteux état », promet le garçon brisé. La « 2 » faisait effectivement partie des plus anciennes. Elle ne fonctionnait d’ailleurs quasiment plus jamais. Anthony se souvient des « fuites d’huile » et des « carters de sécurité qui ne marchaient plus », du « scotch armé pour tenir les cellules de sécurité », « des grilles attachées avec de la ficelle » ou encore « des astuces avec des bâtons pour mettre les racles en pression ».

Le jeune ouvrier aurait-il dû « refuser de travailler sur cette machine », comme le lui a suggéré durant l’enquête un inspecteur du travail ? « Ils sont bien gentils mais dans les faits, ça ne se passe pas comme ça. Soit on bosse, soit on rentre chez nous, on n’est pas là pour faire respecter la politique de sécurité de l’entreprise », répond pragmatique l’ancien machiniste.

Deux infractions relevées

Lorsqu’Anthony est rattrapé par ses « douleurs insupportables », « après chaque opération, chaque pansement, et surtout des douleurs fantômes, cette sensation d’avoir l’impression d’avoir toujours le bras, de faire bouger ses doigts en vain car il n’y a plus rien », le Mimizanais se redit aussi toujours qu’« il manquait ce jour-là un véritable binôme, quelqu’un qui aurait pu actionner le bouton d’arrêt d’urgence ».

Il avait certes un collègue. « Mais au moment où ça s’est produit, il était à 30 mètres de moi. Je pouvais gueuler tant que je voulais, personne ne pouvait m’entendre, ne sait-il que trop bien. Pourtant, comme avec l’ouvrier décédé le jour de Noël, vous allez voir qu’ils s’en sortiront tout simplement en disant que nous n’étions pas en situation de sous-effectif », lâche en colère celui qui aimerait encore tant en dire sur le sujet.

Seul réconfort pour Anthony, enfin si l’on peut réellement parler de réconfort, l’Inspection du travail a déjà dressé deux procès-verbaux au sujet de l’accident. Le premier relève « un protecteur d’élément mobile de travail non adapté », le second « une absence de formation spécifique à la sécurité ». Ces éléments, qui, selon le document officiel, « font foi jusqu’à preuve du contraire », alimentent chez lui un vrai espoir de voir un jour un tribunal consacrer la reconnaissance de la faute caractérisée de l’entreprise. En attendant de pouvoir enfin sortir de l’hôpital, dans deux mois dans le meilleur des cas, Anthony rumine seul deux choses. « Avant j’étais hyper habile, maintenant enfiler une paire de chaussette est une victoire. Je ne peux même plus ouvrir un paquet de chips, couper un morceau de viande ou faire mes lacets. De toute façon, je n’aime plus sortir, le regard des autres me bloque, je préfère me cloisonner chez ma mère », endure d’abord cet ancien basketteur, autrefois bricoleur et surtout très doué en dessin.

La seconde, plus douloureuse, c’est de n’avoir même pas 30 ans… « Savoir que je vais rester comme ça tout le reste de ma vie, c’est très dur », conclut en effet celui qui n’attend plus qu’une vie un peu plus apaisée, grâce notamment à une vraie reconnaissance de son statut de victime.

« Par principe, on ne reconnaît pas la faute de l’entreprise »

Lorsqu’il est interrogé sur l’accident de travail et la situation d’Anthony Gagneau, le directeur de l’usine, Bernard Betrémieux, se dit « conscient que les choses sont dramatiques ». Mais à la question de la reconnaissance de la faute de l’entreprise, le représentant du groupe Gascogne répond que « par principe, on ne le reconnaît pas tant que les enquêtes sont en cours ». La direction de la papeterie sait que l’Inspection du travail a déjà relevé deux infractions au Code du travail, l’un lié à la vétusté de la machine, l’autre sur un défaut de formation. Elle se dit prête à aider Anthony, même financièrement, mais elle ira, quoi qu’il arrive, jusqu’au bout de la chaîne judiciaire.

Contacté sur le même sujet, le représentant de la CGT et secrétaire du CHSCT de Gascogne Sack estime qu’à l’image de « son reclassement (qui) a tout de suite été demandé et accepté » - « mais avec une solution qui ne me convient pas », réagira Anthony -, « tout ce qui était possible a été fait pour aider Anthony ». Bruno Vadillo était là le jour du drame. Il parle d’un événement « déplorable », « dramatique ». Il juge aussi qu’Anthony avait bénéficié d’« une formation très light ».

Mais il ne souhaite pas s’engager davantage sur ces faits qui font l’objet d’une enquête, et notamment aborder l’état de la machine qui avait été « jugée conforme aux normes de sécurité de 1993 », glisse-t-il au même titre que la direction. « De toute façon, la seule personne qui sait ce qu’il s’est passé, c’est lui », ajoute-t-il, un peu maladroitement quand on sait que l’intéressé n’en garde aucun souvenir ou presque.

Une prime contestée

Le syndicaliste en profite en revanche pour dénoncer un indice de l’intéressement aux résultats de l’entreprise indexé sur le nombre d’accidents du travail et qui permet à la direction de faire baisser artificiellement la donne. « Beaucoup préfèrent ne pas les déclarer, mais à quel prix ? Pour quelques dizaines d’euros par an, j’estime que ça ne vaut pas vraiment le coup », insiste en effet Bruno Vadillo. Pour Anthony, la donne est plus complexe : « Gascogne est le plus gros pourvoyeur d’emplois à Mimizan, les temps sont durs et tout le monde a peur de perdre son emploi ; du coup, c’est motus et bouche cousue, personne ne veut rien dire… » On a effectivement connu des syndicats plus véhéments au sujet du respect des normes de sécurité.

Officiellement, les efforts de prévention sont renforcés après chaque accident. Mais surtout ,on reconnaît à demi-mot la chose suivante : « On sait que c’est dangereux, on fait attention… »


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